A l'origine de la paroisse XIIième - XIVième siècle
Présentation par Louis Causse, architecte des bâtiments de France en Aveyron jusqu'en 2015, délégué de la fondation du patrimoine et de la fondation de l'art français
Croquis du clocher peigne réalisé
par Louis Causse
La paroisse de Cohulet a traversé les aléas de l'histoire pendant plus de 700 ans. Une paroisse, c'est une communauté humaine, un curé chargé des âmes, une église ouverte.
Dans son ouvrage sur le Rouergue au premier moyen âge, Jacques Bousquet nous montre comment s'opère le maillage paroissial sous l'autorité de l'évêque de Rodez, qui n'hésite pas, pour le service des âmes à appeler de grandes communautés monastiques extérieures au diocèse : C'est ainsi que l'on voit se multiplier les fondations de Saint Victor de Marseille, Saint Martin de Limoges, Gellone Aniane, Pébrac la Chaise-Dieu....
Au milieu du XIIième siècle, Guillaume, évêque de Mende offre 19 paroisses à la chaise-dieu, cette grande abbaye bénédictine fondée 100 ans plus tôt par Robert de Turlande, originaire du Carlades, à moins de 4 lieues de Thérondels. Cette abbaye située dans le diocèse du Puy eut un développement foudroyant : Les fondations casadéennes se multiplièrent, et c'est dans ce vaste mouvement qu'en Rpouergue et en ses marches, se créent : Saint Robert de la Croix Barrez, Saint Urcize, Saint Barthélémy de Touluch, Lieutades, Pauhens, Saint Saturnin de Cohulet, Saint Nicolas de Bezonnes, Saint Felix sous Rodez...
Vers 1150, la Chaise-Dieu compte 350 prieurés!
La fondation de la paroisse se confond avec la naissance d'un premier prieuré dont on peut, encore aujourd'hui, lire les vestiges dans les pierres de l'église actuelle :
C'est un édifice à chevet plat d'un sanctuaire avec chœur et avant-chœur et d'une courte nef, séparés par un arc doubleau en arc brisé porté par deux colonnes engagées avec chapiteaux et tailloirs. Les murs du sanctuaire sont assez bien conservés, avec un bel appareillage de pierres de taille soigné. Les empochements réalisés dans les colonnes engagées de l'arc triomphal nous révèlent la présence d'une poutre de gloire, comme on en voit encore dans les églises de Mur de Barrez, ou du bourg de Salles la Source.
En comparant les plans des églises romanes rouergates, on constate que le plan de Saint Saturnin de Cohulet n'est pas unique, mais s'inscrit dans la typologie d'une dizaine d'autres. Des premiers temps du prieuré, on signale, en 1275 un accord sur la délimitation de paroisse avec Bozouls, puis, en 1309 un concordat entre Pierre de Pleinecassagne, évêque de Rodez, et le prieur à propos du droit de présentation du vicaire! En 1343, les archives font état d'un accord entre prieur et habitants concernant les enterrements.
En 1349, le "livre de l'épervier" nous apprend que la paroisse de "cogulhetum" comprend 19 feux. Nous sommes au début de la guerre de cent ans.
D'anciens pouillés mentionnent la dévotion qu'on manifeste envers Saint Loup.
Le quinzième siècle
Au XVieme siècle, au moins trois visites pastorales des évêques de Rodez ont lieu à Cohulet en 1419, 1454 et 1495.
Le 19 septembre 1419 est signalée la visite de Vital de Mauléon. Pierre Bouyssou est alors curé résidant. En 1427, il est toujours en fonction.
Le 16 octobre 1454, Guillaume de Latour délègue son vicaire général, Monseigneur Amalric pour rencontrer le prieur Pierre Martel et les fabriciens Guillaume Fontanier et Raymond Boiseton. Il leur prescrit de "recouvrir l'église", comme il le fera, de même, le lendemain, à Bessuejouls.
En juin 1447, nous apprend Henri Affre, le prieur Jean-Pierre Potini, bachelier en droit, moine de la Chaise Dieu, afferme le prieuré Jean Rigal, prêtre de Cabesprine, au prix de 100 livres tournois. Jean Rigal est chargé du service spirituel de la paroisse, d'acquitter les décimes et de traiter à ses frais monseigneur, lors de la visite pastorale.
En l'absence de texte, nous pensons dater la réfection de la voûte, du sanctuaire et la création de la chapelle dédiée à Notre Dame, côté sud, vers 1450, sous l'épiscopat de Guillaume de Latour.
On a remplacé la voute romane, sans doute endommagée, par une voûte sur croisée d'ogives dont la clef est blasonnée mais non sculptée. Sans doute était-elle polychromée aux armes des Bessuejouls, seigneurs civils de la contrée. Bâtis sur le flan sud de la nef, la vierge est aussi voûtée sur croisée d'ogive dont les arcs retombent sur quatre culots dont deux sont sculptés : l'un, à l'angle sud ouest, représente un visage d'homme barbu, l'autre, à l'angle sud est, figure une sorte d'écu orné d'an glaive, dressé vers le haut, avec un oiseau de part et d'autre. La clef de voûte est ornée d'un motif géométrique de belle facture. On doit noter que cette chapelle disposait d'un accès côté sud, sans doute réservé au prieur. Sa construction a nécessité le déplacement de l'ancien portail roman qui dut entrainer la création d'un nouveau portail sur le mur occidental.
Notons enfin, à la même 'époque, l'intégration d'un nouveau lavabo liturgique dans le sanctuaire, à droite de l'autel majeur.
Le seizième et le dix septième siècle
Les 29 ET 30 AVRIL 1510, François D'eSTAING est en visite pastorale à Perse et Espalion ; pour les petites paroisses de Calmont, de Bessuejouls et de Cohulet, il délègue son vicaire général Jacques Traverse.
Est-il nécessaire de rappeler que c'est dans la nuit du samedi 27 avril au dimanche 28 avril que se déclare le terrible incendie du clocher de la cathédrale de Rodez. François d'Estaing n'a connaissance du sinistre que sur le chemin du retour. Il reviendra en visite pastorale à Cohulet le 11 octobre 1524, et signalera alors la présence "d'innombrables reliques"!
Dans son livre "lettres à mes neveux", Henri Affre cite la présence à Cohulet des prieurs Jacques Rogel, dit "de la Fayette", originaire du diocèse de Mende, vers 1560, et de Antoine Dumas, de 1585 à 1604 ; il est originaire d'Espalion. Au XVIIeme siècle, lui succède Amans Guiesse, prieur de 1609 à 1643.
En 1640, Richelieu, commanditaire de l'abbaye de la Chaise Dieu met fin au déclin des Bénédictins qui la gèrent en faisant appel à la congrégation des pères Mauristes, pour la réformer.
Le 23 juillet 1655, c'est Antoine Valat d'Estaing, docteur en théologie, qui prend les fonctions de prieur. En 1668, alors que Cohulet parait être devenu un petit centre de foires, Monseigneur de Paulmy interdit la tenue de marchés dans le cimetière. Antoine de Béranger, de la famille de Montmaton, succède à Antoine Valat. A son décès, en novembre 1677, Jean-Baptiste Ayral, originaire d'Espalion, devient Prieur de Cohulet.
Premier Directeur du séminaire de Rodez, juste avant l'arrivée des jésuites, il devient official, grand vicaire de Monseigneur de Lusignan et chanoine ouvrier de la cathédrale de Rodez. C'est à lui que l'on doit la commande de la création du grand retable de l'église.
Les travaux se poursuivent par un badigeonnage de l'église attesté par un texte du mois de mai 1709 que indique "que notre église fut blanchie et peinte et le retable doré au zèle et dépens de messire Jean-Baptiste Ayral". C'est l'année, ajoute le vicaire Viguier, "où la gelée de l’hiver emporta nos arbres et les vignes, et réduisit ce pays en extrême misère".
Il semble que la chapelle Nord, en vis à vis avec la chapelle Notre Dame, ait été construite à cette époque, avec son ouverture et sa voûte en arc plein cintre. Le baptistère fut alors réaménagé et encastré dans la paroi nord.
A cette époque, la nef devait être lambrissée, en sous face de la charpente.
Le dix huitième siècle - état de 1771 - la révolution
En 1711, un cousin de Jean-Baptiste Ayral, le docteur en théologie Raymond Guilhe, prieur de Durenque du Cambon, devient prieur de Cogulet. Un de ses neveux, Pierre Guilhe, assure le priorat de 1758 au 12 aout 1763, date de sa mort. Quelques jours plus tard (le 24 aout) a lieu une "collation de bénéfices" devant maître Achier, notaire de la Chaise Dieu: "C'est l'institution de la rectorie de Saint Saturnin de Cogulet vacante après le décès de Pierre Guilhe prêtre, pour Jacques Moisset, originaire de Laguiole, recteur du prieuré de Saint Jacques de Brion en Gévaudan, par Gabriel Bauer, prieur mage de monastère de la Chaise Dieu de l'ordre de Saint Benoit, congrégation de Saint Maur.
Lors de l'établissement de "l'état du diocèse de Rodez en 1771", commandé par Monseigneur Champion de cicé, c'est Jacques Moisset qui répond au questionnaire sur l'état de la paroisse de Cohulet
La paroisse comprend alors : trente et une maisonnées réparties sur onze hameaux ou lieux dits. Les informions recueillies nous informent sur les difficultés du temps, sur la pauvreté et la misère de la population avec soixante trois pauvres soit près d'un tiers de la population, dont deux invalides et vingt cinq autres qui ne vivent que de la charité des fidèles. On cultive froment, seigle, orge, avoine et quelques légumes. Onze paires de bœufs sont au service de ces cultures. On élève aussi quelques troupeaux de brebis.
Il est dit aussi que l’église de Saint Saturnin nécessite quelques réparations, mais qu'elle est bien pourvue en missels, ornements et vases sacrés.
Le prieur précise qu'il loge et nourrit un "secondaire" ou vicaire auquel il octroie deux cent livres par an, il détaille aussi les ressources de la paroisse au titre de la dîme.
Cet état des lieux est à compléter par "l'état des bénéfices de Rodez" dressé par l’abbé de Grimaldi peu de temps avant la révolution, à partir des pouilles de Jean de Pomarède, de Pierre Jordain et de Jean Causse (1715). On y relève que le bénéfice de Cohulet est régulier (c'est à dire possession monastique) mais qu'il est possédé par des séculiers depuis plusieurs siècles. Une redevance (vingt quatre coupes de froment) par l’abbaye mère de la Chaise Dieu. La population est de deux cent vingt habitants. On a ici une grande dévotion à Saint Loup célébré le premier septembre.
Une évolution sociale et économique du royaume de France apparait inéluctable. La Révolution se traduit à Cohulet par la vente des biens du clergé : entre le premier février 1791 et le trente juin 1796, les biens de la paroisse, de la cure et des prêtres estimés ensemble trois mile quatre cent vingt huit livres sont vendus cinq mille sept cent dix livres.
Le presbytère est vendu avec ses dépendances comprenant grange, basse cour, four, pigeonnier, jardin et petit pré.
Le curé prieur, Jean Moisset ayant refusé de prêter serment à la constitution civile du clergé, il est arrêté et reclus à Rodez le 26 avril 1793 pour être ensuite déporté à Figeac où il meurt à l'âge de 73 ans. Quant au seigneur civil, François Rose de Bessuejouls de Roquelaure, il est guillotiné le 27 juillet 1794.
Lors de l'inventaire des ornements et de l'argenterie de l'église le 15 février 1794 (27 pluviôse an II), i est dit qu'une partie des objets liturgiques "fut emportée lorsqu'on prit notre ci-devant curé".
Deux cloches descendues pour être envoyées à la fonte, à Montauban (cela nos indique qu'avant la révolution, le clocher peigne en possédait trois).
A la réouverture des lieux de culte, l'ancien vicaire, Jean Anglade, réapparait. Il desservira la paroisse jusqu'en 1821.
Le dix neuvième siècle
Par suite de la loi de réorganisation administrative du 17 février 1800 élaborée par Jean-Antoine Chaptal, ministre de l'intérieur, le nombre de communes du département est singulièrement réduit. La commune de Cohulet disparait, démembrée au profit des communes de Bessuejouls, Espalion et Bozouls.En revanche, la paroisse est sauvegardée dans ses anciennes limites.
La population connait une certaine progression qui, avec la renaissance de la vie paroissiale nécessite l'agrandissement de l'église.
C'est sans doute vers 1850 qu'est décidé l'allongement de la nef d'à peu prés trois mètres avec la création d'une belle tribune, augmentant ainsi la capacité d'accueil d'au moins soixante paroissiens.
En 1852, une cloche de prés de quatre cent kilos est commandée à l'atelier des fondeurs Cazes et Pourcel de Villefranche de Rouergue; baptisé en l'honneur de Marie et de Saint Saturnin, elle a pour marraine Sylvie Anglade et pour parrain Germain Burguière. Il est vraisemblable que la cloche conservée pendant la Révolution, peut être fêlée, fut alors refondue. La vie paroissiale était alors intense ici, comme dans tous le diocèse. Le point d'orgue en sera la visite pastorale du 17 mai 1893
Visite pastorale de février 1893
Monseigneur Ernest Bourret, accompagné de son vicaire général Jacques-Jean Gély, et de son secrétaire particulier, Charles Ginisty, vient en visite pastorale en présence du curé résidant, Casimir Lagriffoul.
La journée commence par la confirmation de 45 enfants
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10 garçons et 6 filles de Cohulet
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7 garçons et 10 filles de Brussac
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5 garçons et 7 filles de Biounac.
Après vérification, leur instruction est considérée comme "bonne". S'ensuit, à l’issue de la cérémonie, un examen complet et détaillé de l'église et de son presbytère, sur la base d'un questionnaire méthodique en 26 questions. On y relève quelques observations intéressantes.
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Le grand autel est en bois peint avec retable à colonnes torses encadrant un tableau du Christ en croix. La toile est jugée sans valeur.
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Le tabernacle en bois doré, du même style que l'autel est garni, à l’intérieur, d'une soie blanche.
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Le ciboire en vermeil, la custade en argent et l'ostensoir également en argent sont jugés convenables. Il en est de même pour la pierre sacrée.
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L'édifice dispose de trois pupitres en bois.
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Est mentionné la présence d'un reliquaire en cuivre argenté contenant (avec authentiques) des reliques de Saint Fleuret , Saint Loup, Saint Amans et Saint Arthémon.
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L'église est éclairée par un lustre en cuivre à douze branches. Elle ne possède qu'un seul vitrail à l’œil de bœuf de la tribune.
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Les murs sont crépis et récemment blanchis à l'intérieur.
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Lambris ou plafond dans la nef.
S'en suit une ordonnance en six points adressée à l'abbé Lagriffoul, et à la fabrique (la fabrique est lé conseil de fabrique, groupe d'ecclésiastiques et de laïcs dits fabriciens ou marguilliers, chargés de l'administration des finances affectées à l'entretien d'une église et de ses biens).
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Il faut tenir l'église bien dégagée des terre et des eaux autour des fondations, et mettre des chéneaux côté cimetière. A l'intérieur, il faut réparer ou refaire le plancher du sanctuaire et consolider le marche-pied de l'autel.
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Mobilier suffisant, compléter avec un prie-Dieu, une ombrelle, une chape blanche et une chape violette, des teintures noires...
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Sacristie petite, basse et humide, à sur élever, avec mise en place d'un plancher.
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Est évoqué la bonne conservation des registres et mandements épiscopaux, papiers de la fabrique, et livre de paroisse.
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Le presbytère est considéré comme vaste, mais mal distribué, avec escalier à refaire.
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Le cimetière est petit (moins de deux ares). S'il ne peut être agrandi sur place, il faut envisager de la déplacer.
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